Talibés, enfants des rues ?

Publié le par le grain voyage

Nous voilà à Dakar depuis mardi ...

Nous habitons chez Alassane, notre copain Prof à la Fac Anta Diop de Dakar, à 100 m de la plage et en plein coeur du campus... des petits restos partout et des étudiants par milliers (60 000 cette année, la fac est complètement submergée, nombreux sont ceux qui sont restés sur le carreau, et du coup, grèves et manifestations incessantes !)
Dès notre arrivée, on a rencontré des collègues d'Alassane à la cantine des profs, et là, que du bon : un d'entre eux vient de terminer un bouquin "le Sénégal face aux défis de la pauvreté", un autre a  été responsable pendant 10 ans de "Terre des hommes", et a monté il y a quelques années sa propre ONG, qui travaille auprès des femmes (bien sur, comme souvent !), et dans le secteur de la pèche, de la transformation du poisson, sa commercialisation, sa conservation. On doit le rencontrer à nouveau pour qu'il nous présente plus à fond son association.

Dès la semaine prochaine nous commençons une série de rendez vous avec nos contacts ici : Loïc et ses amis du Village Pilote, qui se propose de prendre en charge les petits talibés, ces enfants des rues qu'on voit partout errer dans la ville. En quelques mots, et avant d'approfondir avec eux cette douloureuse question :

Talibé : petits élèves des écoles coraniques, enfants des rues, miséreux, ou enfants esclaves ?

Au départ, ce sont des familles , croyantes et musulmannes, qui confient un ou plusieurs de leurs enfants à un marabout pour qu'il leur inculque le coran. Ca fait partie de la tradition, et ce don d'enfant peut être considéré comme une forme d'acte de foi.
Il semble que certaines de ces écoles fonctionnent de manière tout à fait "honorable", les enfants sont instruits, vétus, logés, et nourris dans des conditions correctes. Dans leur formation, on demande à ces enfants d'aller mendier leur nourriture, à horaire régulier, afin de leur faire prendre conscience de la difficulté de la vie, et de cultiver leur humilité. A leur retour, la nourriture ou l'argent récolté est partagé. Les bons musulmans se doivent de donner quelque chose à ces petits mendiants qu'il déclarent "beaucoup respecter", la charité faisant partie des 5 piliers de l'Islam. Certaines de ces écoles enseignent par exemple le coran le matin, et les autres matières l'après midi (nous avons rencontré à St LOUIS Catherine, une éducatrice travaillant dans un village vers Dakar, où la situation est à peu près celle que l'on vient de décrire/ Catherine, si je raconte des salades, rectifie moi s'il te plait, cet espace est ouvert au débat ! plus que ça, il le sollicite, l'encourage, l'exige !).

Bref, ça, c'est le principe, une sorte de situation idéale, qui je suppose, existe un certain nombre de fois.

Nous avons pourtant ressenti des situations bien différentes : Certains mômes sont en haillons, manifestement affamés, errants du matin au soir, qui se battent pour un quignon de pain, qu'on retrouve la nuit blottis les uns contre les autres pour dormir dans un recoin de mur, en tentant de lutter contre la fraicheur (et oui, les nuits sont très fraiches actuellement, anormalement froides d'après tous les sénégalais ...). Alors, que se passe t'il ? Pourquoi un système d'école dégénère t'il de cette façon ?

Ce que je vais dire n'engage que moi. Le débat est ouvert, les remarques et critiques bienvenues ...
D'ailleurs, nous avons rencontré une personne remarquable, greffier au tribunal de Dakar, qui doit présenter une thèse sur la situation des talibés fin mars à Dakar, lui même ancien talibé et fils de marabout... Nul doute que son propos sera très édifiant, une vision de l'intérieur, mais avec le recul de l'intellectuel ... Nous essaierons d'assister à la soutenance de sa thèse si c'est possible.

Première réponse : ce qui guide le don d'enfant est plus la misère que la foi : un enfant donné à un marabout, c'est un enfant de moins à nourrir. Du coup, si l'enfant revient plus tard à la maison, il deviendra force de travail. Tout bénéfice pour la famille. Qu'en penser ???
Deuxième réponse : les marabouts ne sont pas payés pour s'occuper de l'enfant : c'est à l'enfant, dans la mendicité, de trouver la rémunération de son marabout pour ses études et sa pitance. Du coup, c'est un système ouvert à toutes les dérives : certains marabouts je suppose font ce qu'il peuvent, mais quand on voit le prix des renrées alimentaires, et le nombre d'enfants mendiants, c'est sûr que les gamins ne doivent pas ramener grand chose au marabout, du coup, ils doivent mendier plus longtemps, être plus collants pour obtenir une miette ...
Il apparait aussi (beaucoup de nos interlocuteurs nous l'ont dit) que certains marabouts sont verreux. N'importe qui peut se déclarer marabout, récupérer les gamins et les utiliser comme esclaves pour en faire ce qu'il veut. Apparement, aucun contrôle sur leur attitude, sinon la vindicte populaire (mais le rôle de marabout est très respecté, alors avant d'aller se plaindre ...). En plus, les enfants sont en général loin de leur famille, qui habite des villages reculés, alors que les marabouts sont en ville.
Enfin, la situation est si désastreuse, que certains enfants s'enfuient des écoles coraniques, n'osent pas ou ne peuvent pas rejoindre leur famille, et donc deviennent errant, SDF. Ils vivent alors de rien, de rapine, dans les poubelles, dans les gares routières, où ils peuvent ... imaginez l'avenir de ces gosses ...

Il semble que ce soit là qu'interviennent certaines associations, dont le village pilote de Loïc, que nous allons rencontrer bientôt ..
Mais là, ce sera l'objet d'un autre article ...

Alors, a bientôt ... et n'hésitez pas à donner vos avis !

Gilles

quelques liens pour approfondir la reflexion :
terre des hommes
      enfants des ruesn

Publié dans Enfance Education

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