"Village pilote" à Dakar

Publié le par le grain voyage

 

Des mômes en haillon, avec leur petites gamelles, pour quémander du matin au soir leur pitance ... Mais quoi faire ? Alors, pour affronter l'errance de ces petits bonhommes laissés à la rue, il y a, à côté de Dakar, Village pilote ...

Il est 7h30, Jean, un animateur de « village pilote », cap verdien d'origine, nous attend désespérément à la « patte d'oie », un carrefour connu de tous les Dakarois, sorte de chantier de rond point jamais terminé sensé désengorger l'hyper centre en direction du grand Dakar, en fait un fouillis monstre toujours en surchauffe ... il faut parfois 4 heures pour sortir de Dakar !

On s'est évidemment paumé dans les bifurcations pas signalées, passé devant la patte d'oie sans la voir, bref, la journée commence bien !

Jean a été patient, et nous accueille au bord du chemin avec la grosse mitshu 4X4 de l'association ... Direction le « lac rose », à une quarantaine de kms au Nord-Est de Dakar, où Loïc et sa trentaine d'équipiers a décidé d'implanter son village pilote, village écolo en terre crue destiné à recevoir les jeunes de la rue qui ont choisi de chercher un peu de réconfort et de stabilité ici ...

 

Loïc est un ami de longue date de Tanguy, que les graineurs fidèles ont pu croiser à quelques occasions ... On reviendra une autre fois sur Tanguy, qui a beaucoup de choses à nous apprendre aussi, mais bref ... avec lui ce sera plus simple, il habite Valence !

Loïc a donc créé avec d'autres et depuis pas mal d'années, dans la banlieue de Dakar, un refuge pour les enfants des rues, talibés (voir article qui leur a été consacré précédemment) en fuite pour une bonne partie d'entre eux, qu'il accueille dans une maison louée et aménagée pour ça dans la banlieue de Dakar à Pékine.

Mais ce lieu, pas forcément adapté, est devenu trop petit, et surtout, il y a le problème des plus grands, jeunes garçons à partir de 15 ans, pour qui la cohabitation avec les petits est difficile, pour qui la proximité de la ville est tentante (la plupart ont vécu longtemps dans la rue, se droguent, ou ont déjà fait des séjours en prison), et surtout pour qui il n'y a pas grand chose à faire ici.

 

Alors depuis 1 an, l'équipe s'est lancée dans un pari nouveau : créer de toutes pièces, loin à l'écart de la ville, en pleine brousse, un « village pilote » construit par les jeunes eux mêmes.

Un terrain de plus de 3 hectares est acheté, un ami architecte/maître d'oeuvre aide à l'élaboration des plans, deux maçons professionnels sont embauchés pour l'encadrement des jeunes et c'est parti !

 

Nous sommes en février 2008, 16 jeunes sont « recrutés » dans la rue. Tout un travail de prise de contact, de mise en confiance, de dialogue alors que les jeunes sont encore dans la rue est effectué.

 

L'équipe de « village pilote » maîtrise bien ce savoir faire, qu'ils pratiquent depuis 15 ans auprès des petits : ils appellent ça les « équipes mobiles » : on tourne toujours dans les mêmes coins, on repère les enfants, on leur amène des goûters, des vêtements, on soigne les bobos, et surtout, on parle, on bavarde, on explique ... et puis on se fixe un rendez vous pour dans quelques jours ... Parfois, les enfants ne reviennent jamais, parfois ils reviennent ... et ainsi de suite, petit à petit, la confiance naît, et certains enfants demandent alors à intégrer le foyer, où là, une prise en charge complète est faite.

 

Pour les 16 jeunes qui s'engagent à construire le nouveau « village pilote », c'est différent : il s'agit d'un véritable contrat d'insertion et de qualification : habiter loin de tout, apprendre à construire une maison en terre crue (système traditionnel, mais mise en oeuvre contemporaine), aller à l'école (alphabétisation sur place), percevoir un pécule, mais respecter des règles de vie communautaires très strictes, vivre dans des conditions de précarité (sous tente provisoire, et travailler dur : pour commencer, creuser un puits (heureusement peu profond), monter le campement, assurer les tâches du quotidien, lessive, cuisine (une cuisinière a été embauchée) ... premiers échecs, 4 jeunes laissent tomber, il y a des relations pas faciles avec les villageois les plus proches, inquiets d'un voisinage pareil ...

Peu à peu, ces premières difficultés s'apaisent, les premiers petits bâtiments test (une cuisine, puis, en train d'être terminé, un local vaste qui servira provisoirement un peu à tout pour finir sa carrière comme magasin général) sont construits.

Aujourd'hui, les 12 jeunes sont encore là, ils sont alphabétisés, apprennent un métier, vivent une vie de foyer, et peuvent fréquenter le village voisin les soirs et les week end sans difficulté majeure. Un très grand bâtiment pourra bientôt sortir de terre avec de nouvelles possibilités de recrutement d'autres jeunes ...

En fin de parcours, le village aura une capacité d'accueil, personnel compris, de 180 personnes ...

Nouveau pari pour Loïc et son équipe, l'alimentation en eau potable et en électricité ... Il est question de solaire, d'éoliennes, bref, on parle chantier !

 

Nous visitons quelques jours après le centre actuel des « petits », de 7 à 13 ans environ. Ils sont une vingtaine d'enfants actuellement. Ce vendredi matin, tout le monde par au maraîchage, un petit carré entretenu par les enfants non loin du centre, dans un espace anciennement marécageux qui ressemble à un jardin ouvrier de chez nous. Les enfants vont chercher l'eau d'arrosage au marigot tout proche. Pas d'enthousiasme débordant, mais des enfants propres, tranquilles, les plus souriants d'entre eux se risquent même à quelques mots avec ces deux toubabs ! Certains d'entre eux sont là depuis plusieurs mois, d'autres viennent d'arriver. La porte est ouverte, ils peuvent repartir dans la rue quand ils veulent, s'ils ne supportent plus les contraintes de la vie collective et ses règles. Ils peuvent revenir aussi, mais pas n'importe comment « ce n'est pas un hôtel ! »

 

Aujourd'hui, nous assistons à la fin de la réunion hebdomadaire de l'équipe d'encadrement, au retour assez bouleversant d'un jeune en haillon qui vient de repasser plusieurs semaines dans la rue, et aux retrouvailles d'un petit avec sa mère .... gène, distance, mais quel sourire sur le visage du gosse !

L'objectif du village, c'est d'abord sortir l'enfant de la rue, lui faire retrouver le goût et une certaine capacité à la vie en famille hors de la rue (qui est elle aussi une sorte de « famille »), enfin mener l'enquète pour retrouver la famille d'origine du gosse, et après médiation, remettre l'enfant à sa famille.

 

Imaginez la montagne de difficulté à chaque étape !

A noter que dans chacune des deux structures visitées, l'encadrement, remarquablement motivé et performant, est entièrement sénégalais (sauf la prof  du chantier des grands, Claire, et bien sûr de Céline qui ne peut s'empêcher de passer sa matinée dans le « temple du savoir »).

 

Nou retrouverons Loïc et sa famille chez lui, son rez de chaussée « provisoirement » transformé en bureaux administratifs. Ceux là mériteront un portrait dans un prochain article ! Un grand merci à toute l'équipe pour son accueil. Il s'agit maintenant de savoir comment les graîneurs vont pouvoir coopérer à cette initiative !

 

Gilles

 pour retrouver nos premières reflexions sur les Talibés : Talibés, enfants des rues ?

retrouvez les photos du chantier de village pilote sur  album village pilote picasa

 

 

Publié dans Enfance Education

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D
Oui, on essaiera de se voir, ce serait sympa.<br /> J'ai mis récemment un article sur mon blog sur les talibés. Si vous avez un moment, j'aimerais votre avis. A bientôt. Dominique
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C
Gilles, <br /> je suis une amie d'enfance de Loïc, nous sommes en contact régulièrement mais je n'ai jamais été le voir. Tu m'as fait voyagé mon pote! Lo¨c et sa femme sont des personnes humbles et ne vantent pas de leur galère. Merci de m'avoir ouvert les yeux sur la réalité de terrain. Merci pour eux. <br /> Carine
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D
Très très sympa votre blog... Je suis au Sénégal depuis 4 mois et pour deux ans, je retournerai vous voir... Je ne suis pas de la Drôme mais de Grenoble. Nous sommes voisins. Amitiés. Dominique
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L
<br /> Bonjour Dominique !<br /> Nous serons de retour sur le Sénégal vers la mi mai et serons très contents de te rencontrer si tu es dans le coin. On passera beaucoup de temps dans la région de Thies, vu les contacts que l'on a<br /> là bas !<br /> à bientot donc<br /> Gilles et Céline<br /> <br /> <br />